dimanche 7 décembre 2008

La prison à douze ans... en France

Brèves de Mediscoop, par le Dr Marie-Elisabeth Sanselme-Cardenas
La presse médicale au scanner

Je reçois ce jour de Dario Morales, ces informations fort inquiétantes pour : l'esprit de la loi qu'elles révèlent, le mépris de l'éducation aux dépens de la répression et pour la volonté affichée de faire disparaître une période fondamentale de la construction de ce qu'ils appelleraient l'individu et que nous appellerons l'être humain dans sa complexité essentielle et porteuse de richesse.

Nous dénonçons le procédé sémantique dans son habileté pour faire glisser sans heurts la loi vers un autre état d'esprit face à des jeunes, enfants au moins par certains côtés, qui n'ont pas eu d'éducation ou qui n'ont pas su s'en saisir pour eux. Ces jeunes n'auraient plus une deuxième chance et quand on lit ce que disent ceux qui les connaissent de par leur profession, de l'état des prisons françaises on ne peut que frémir de savoir que de jeunes enfants risqueraient de commencer leur vie ainsi. Ils sont perdus d'avance!

Heureusement pour l'instant le premier ministre a été ferme, mais l'état d'esprit est là!

Nous avons pensé qu'il était indispensable de les faire figurer dans les brèves.


Libération, vendredi 05 décembre 2008

Fillon dit non à la prison dès 12 ans

Le Premier ministre se dit «totalement hostile» à cette proposition, désavouant ainsi Rachida Dati, qui estime elle qu'une «sanction pénale à partir de 12 ans» relève du «bon sens».Le Premier ministre François Fillon s’est dit ce vendredi «totalement hostile» à l’emprisonnement des mineurs de 12 ans, proposition contenue dans un rapport remis mercredi à Rachida Dati. «Le gouvernement n’a pas de projet pour modifier la législation dans ce sens», a déclaré le chef de gouvernement lors d’un point de presse à Matignon.

«Il y a un débat qui a été ouvert à la demande du gouvernement et à la demande du président de la République sur la rénovation du texte qui concerne la majorité pénale. Ce débat est un débat qui est important, qui va avoir lieu, dont on tirera toutes les conséquences», a-t-dit. «Mais je dis tout de suite qu’il n’est pas question que ces conséquences aboutissent à la mise en prison d’enfants de 12 ans», a-t-il averti.

Selon lui, «il y a d’autres solutions pour traiter y compris les cas les plus extrêmes de violence concernant les enfants de 12 ans».

Une commission présidée par l’universitaire André Varinard a remis mercredi à la garde des Sceaux un rapport sur la refonte de la justice des mineurs et de son fondement, l’ordonnance du 2 février 1945. Il propose de fixer à 12 ans l’âge minimum de responsabilité pénale -13 ans aujourd’hui- à partir duquel on peut être poursuivi. L'emprisonnement serait alors possible à 12 ans, mais seulement en matière criminelle, précise le rapport.

En recevant ce rapport, la ministre de la Justice a affirmé: «Dire qu’un mineur d’aujourd’hui peut justifier une sanction pénale à partir de 12 ans me semble correspondre au bon sens», tout en précisant que «sanctionner ne veut pas dire emprisonner».

Mais «les juges pour mineurs doivent pouvoir disposer d’une palette de réponses adaptées» allant jusqu’à «l’incarcération» qui doit revêtir un «caractère exceptionnel», avait ajouté Rachida Dati.

La prison à 12 ans? Du «bon sens» pour Rachida Dati

La ministre de la Justice approuve ainsi la proposition de la commission présidée par André Varinard, très critiquée la semaine dernière par les syndicats de magistrats.

Lors de la remise du rapport Varinard sur la réforme de la justice des mineurs, la ministre de la Justice Rachida Dati a déclaré, ce mercredi, que sanctionner pénalement les mineurs «à partir de 12 ans» relevait du «bon sens». Dati approuve ainsi la proposition de la commission présidée par André Varinard, très critiquée la semaine dernière par les syndicats de magistrats.

«Eviter à notre jeunesse de s’ancrer dans la délinquance»

Dati précise toutefois que «sanctionner ne veut pas dire emprisonner». Mais «les juges pour mineurs doivent pouvoir disposer d’une palette de réponses adaptées qui vont jusqu’à l’incarcération». Pour la ministre, «un mineur a besoin d’autorité» qui «doit être exercée avec autant de fermeté que d’humanité. C’est la ligne directrice de la réforme que nous souhaitons». Elle a annoncé «avant la fin du premier trimestre 2009» une «refondation de la justice pénale des mineurs» et de l’ordonnance du 2 février 1945 qui en fixe les principes. Il s’agit d’«éviter à notre jeunesse de s’ancrer dans la délinquance» tout en maintenant «l’affirmation du caractère exceptionnel de l’incarcération des mineurs».

Pour justifier sa décision, Dati a pris l’exemple des autres pays européens: «fixer la minorité pénale à 12 ans correspond à la moyenne de ce qu’appliquent nos pays voisins [10 ans en Suisse et en Angleterre, 12 aux Pays-Bas, 14 en Allemagne, Espagne, Italie, ndrl]».

«Entre quinze et vingt mineurs par an»

L’auteur du rapport, André Varinard, venu rendre ce document en personne, a expliqué que ce seuil était «raisonnable» et correspondait à une «réalité sociologique incontestable: le rajeunissement de la délinquance». Cela permet aussi «d’éviter au maximum l’incarcération des très jeunes enfants». Aujourd’hui, l’incarcération est possible dès 13 ans. Dans son rapport, la commission affirme «l’impossibilité d’incarcérer un mineur de moins de 14 ans sauf en matière criminelle».

Il s’agirait d’une «incarcération dans des cas où elle paraîtrait indispensable», a expliqué Varinard en précisant que cela pourrait concerner «entre quinze et vingt mineurs par an».

Contestations

Le principal syndicat de magistrats, l’USM, et le syndicat d’éducateurs UNSA-PJJ ont affirmé dans un communiqué commun que l’incarcération en matière criminelle n’est possible qu’à partir de 14 ans «dans la quasi totalité des pays européens». Le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) a pour sa part dénoncé «une vision réactionnaire et répressive de l’enfance» à travers un rapport qui «remet en cause de manière radicale les spécificités de la justice des mineurs» avec notamment sa «primauté des réponses éducatives».

Consulter le rapport Varinard, en cliquant ici

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Détecter la violence chez les tout-petits, une idée qui revient

Frédéric Lefebvre, député et porte-parole de l'UMP, a émis cette hypothèse ce matin, estimant que cette détection, faite à «la garderie», permettrait une meilleure prévention.

L'idée avait suscité un tollé en 2006. Le porte parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre, a décidé de la relancer: détecter des troubles du comportement chez l'enfant dès le plus jeune âge afin de lutter contre la délinquance des mineurs.

«En 1945, un mineur sur 166 était mis en cause dans une affaire pénale, aujourd'hui c'est un sur trente, il faut réagir», a lancé Frédéric Lefebvre sur Europe 1. «Je ne pense pas» que ce soit trop tôt, a-t-il également dit à propos de la proposition d'abaisser la responsabilité pénale de 13 à 12 ans faite par la commission Varinard, chargée par la garde des Sceaux Rachida Dati de réformer la justice pénale des mineurs.

«Moi, je souhaite qu'on aille même sans doute un peu plus loin, sur la question de la détection précoce des comportements. Cela a été dans beaucoup de rapports. On dit qu'il faut le faire dès l'âge de trois ans pour être efficace», a relevé Frédéric Lefebvre.

«Je ne suis pas un spécialiste, donc je ne déterminerai pas à quel âge il faut le faire, mais quand vous détectez chez un enfant très jeune, à la garderie, qu'il a un comportement violent, c'est le servir, c'est lui être utile à lui que de mettre en place une politique de prévention tout de suite», a détaillé le député des Hauts-de-Seine.

«Si on veut éviter d'avoir à appliquer le pénal très tôt, il faut essayer de faire de la prévention, il faut accompagner ces enfants dont on voit qu'ils sont en train de partir sur un mauvais chemin», a-t-il encore dit.

En 2006, des projets de détection précoce des troubles du comportement dès le plus jeune âge pour prévenir la délinquance, s'appuyant sur un rapport de l'Inserm, avaient suscité un tollé chez les professionnels de la petite enfance, éducateurs et «psys». Une pétition intitulée «Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans», avait recueilli plus de 46.000 signatures.

Société 29 nov. 6h51 Peines majeures pour les mineurs

Décryptage

Pour répondre à l’exigence de fermeté de Rachida Dati, une réforme de l’ordonnance de 1945 est en cours.

«Des mineurs délinquants, Arlette Chabot, c’est des violeurs, des gens qui commettent des enlèvements, des trafics de produits stupéfiants, qui brûlent des bus dans lesquels il y a des personnes», déclarait la ministre de la Justice Rachida Dati sur le plateau de l’émission «A vous de juger», le 16 octobre. Ce cri d’alerte sécuritaire (accompagné d’un constat chiffré totalement erroné, lire ci-contre) avait un but : nous préparer à une loi qui fera «cesser cette spirale», et que la ministre veut présenter au Parlement en juin 2009. En attendant, elle avait aussi demandé un rapport à une commission d’experts. Leurs propositions, qui seront rendues publiques le 3 décembre, ont bien respecté la commande. Passage en revue.

La prison à partir de 12 ans ?

Il n’existe pas, en France, d’âge minimum de responsabilité pénale. Le juge doit apprécier si le jeune mis en cause est capable de discernement, et donc accessible à une sanction. En dessous de 13 ans, cependant, cette sanction ne peut être qu’une mesure éducative. Le mineur ne peut pas être incarcéré. La commission présidée par le juriste André Varinard propose que la loi fixe désormais l’âge minimum de responsabilité pénale à 12 ans. La prison sera dès lors possible, mais seulement en matière criminelle. Les experts proposent aussi un seuil pour permettre l’emprisonnement pour des délits : ce serait 14 ans.

Quant aux moins de 12 ans, le rapport ne souhaite pas qu’ils soient totalement exclus du champ de la justice. Il prévoit qu’ils puissent être retenus par la police «pour une durée de six heures renouvelable une fois».

Juger les plus de 16 ans comme des majeurs ?

La loi Dati d’août 2007 permettait déjà de supprimer l’excuse de minorité pour certains mineurs «récidivistes» et de leur appliquer les mêmes peines que les majeurs. La commission Varinard veut aller plus loin, avec la création d’un tribunal correctionnel spécial qui pourrait permettre de généraliser ce durcissement. Il serait réservé aux plus de 16 ans récidivistes ou «devenus majeurs au moment de leur jugement» et pourrait être présidé par un juge correctionnel, et non plus un juge pour enfants.

La fin de la primauté de l’éducatif ?

Les experts, d’ailleurs, ne veulent plus de cette appellation d’«enfants». Il serait plus adéquat, pensent-ils, de parler de «juge des mineurs» et de «tribunal pour mineurs». Qui serait présidé par un juge unique, en supprimant les deux assesseurs issus de la société civile, pour les délits dont la peine est inférieure à cinq ans. Ils souhaitent aussi que soit supprimé le préambule de l’ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs, qui affirme le primat de l’éducatif sur le répressif. Ce principe pourrait toutefois être réintroduit dans la rédaction d’un nouveau «code de justice des mineurs», qui remplacerait le reste de l’ordonnance. «Ces changements sémantiques ne permettront en rien d’améliorer la prise en charge de la délinquance des mineurs», se désole Christine Lazerges, professeure à Paris-I et spécialiste du sujet. Résumant l’inquiétude de la plupart des observateurs, l’ancienne députée s’alarme également de la proposition d’une «peine d’emprisonnement de fin de semaine», censée permettre aux jeunes de continuer à aller au lycée. «Dans quel état arriveront-ils en cours après un week-end en prison ? Sous prétexte d’afficher des grands principes de fermeté, ce rapport cache des bouleversements dangereux.»

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10/12/2008

Je reçois de Dario Morales que je remercie, la suite des informations et des textes concernant la terrible idée de la prison pour des enfants de douze ans. Cest textes suivent.

Du Docteur Armelle Guivarch, psychiatre hospitalier, psychanalyste :

Le 12 novembre, à Grenoble, un patient en fugue de l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève, poignarde un jeune homme. Dès le lendemain Nicolas Sarkozy annonce un durcissement de la loi de 1990 sur l'hospitalisation sans consentement et une réforme en profondeur de l'hospitalisation psychiatrique. Le directeur de l'hôpital de Grenoble est suspendu.

Le 2 décembre, à l'E.P.S.M Erasme d'Antony, le Président, après avoir fait l'éloge non pas de la folie mais des soignants, prononce son discours de réforme. Il est lourd de menaces, et essentiellement construit autour de quelques mots, réponses à ce terrible passage à l'acte : protection, sécurité, contrôle, surveillance, enfermement, isolement, obligation de soins et transparence.

Protection de la société, des français, des familles, du personnel, de la violence supposée de nos patients ; du patient contre ses pulsions, ses hallucinations, son délire, ce qui est notre mission, il n'est évidemment pas fait mention.

Sécurité, sécurisation, contrôle, surveillance : Contrôle des entrées et sorties de l'hôpital, vidéosurveillance, dispositif de géo-localisation ; c'est le retour moderne du panopticon de Bentham, dénoncé par Michel Foucault dans « Surveiller et punir ».

Enfermement des malades difficiles : Il y avait cinq unités pour malades difficiles (U.M.D.) dont le dernier ouvert en Centre Bretagne en janvier 2008 et l'avant dernier en....1963, il y en aura quatre de plus de quarante lits soit un doublement en très peu de temps. Il sera aussi créé 200 chambres d'isolement supplémentaires et des unités fermées à l'intérieur de l'hôpital psychiatrique.

Obligation de soins ambulatoires dans l'intérêt du patient et de sa famille, et décision de sortie d'essai ou définitive prise par le préfet après avis d'un collège de trois « experts ».

Enfin puisqu'il craint pour nous soignants de l'hôpital psychiatrique la « ghettoïsation », il y aura fortement contribué, il nous faudra jeter des passerelles vers d'autres établissements de santé. Lesquels ? L'hôpital général qui manque lui aussi cruellement de moyens humains?

Et pour tout cela, il faudra un patron à l'hôpital, un vrai, qui sache prendre ses responsabilités.

Le discours se termine par un retour sur l'éloge des soignants, la grandeur de leur tâche.

La forme du discours est celle habituelle de Nicolas Sarkozy, celle de la douche écossaise, alternance de flatteries, de fausses émotions démagogiques, d'appels à la compréhension et de menaces à peine voilées.

Belette schizophrène et petit lapin psychiatrique finissent mangés par Raminagrobis.

Si « On juge du degré de civilisation d'une société à la façon dont elle traite ses fous » comme l'a dit Lucien Bonnafé, un des artisans du secteur en psychiatrie au sortir de la guerre où les patients de psychiatrie avaient été particulièrement maltraités et d'ailleurs, fait l'objet d'une politique d'éradication en Allemagne nazie, et bien cette civilisation est celle du cynisme et de la peur.

Ces vingt dernières années nous avons assisté, nous, soignants à l'hôpital psychiatrique, à une diminution drastique du nombre de lits d'hospitalisation, cinquante mille en vingt ans soit plus de la moitié, à la disparition des formations spécifiques des psychiatres et des infirmiers en psychiatrie, à la montée en puissance du discours de la science appliqué à la médecine et donc la prescription anarchique de la trithérapie anxiolytique, antidépressive et hypnotique, à la médicalisation de « la dépression », la perte des repères cliniques basés sur la parole du patient, son histoire particulière, le démantèlement lent et insidieux de la politique de secteur, la fermeture toujours plus accélérée des structures relais de nos partenaires sociaux faute d'argent, la montée en puissance des « démarches qualité, d'évaluation et autre certification » qui sont bien souvent des coques vides, des cache-misère, qui masquent mal l'augmentation à l'hôpital des mesures de contention, de mise en chambre d'isolement, des sorties prématurées de patients pour une durée moyenne de séjour qui doit sans cesse être plus courte.

Oui, les patients sont à la rue et dans les prisons. Bien souvent,leurs partenaires sont l'alcool, la méthadone et le cannabis pour soigner leurs « voix ».

Les patients psychotiques suscitent la haine et la peur, chez le citoyen, chez le politique, chez nous aussi soignants ; il vaut mieux le savoir pour soigner et non maltraiter.

Ce n'est pas de mesures sécuritaires dont l'hôpital psychiatrique a besoin, le meurtre d'un étudiant par un patient psychotique ne saurait justifier un tel déferlement de mesures sécuritaires d'ailleurs en gestation de longue date. La société française veut se débarrasser de ses citoyens difficiles en les enfermant . Parce qu'il ne faut pas se faire d'illusions. Quel préfet prendra la responsabilité d'une sortie d'un patient réputé dangereux? Aucun.

Les hôpitaux psychiatriques ont besoin de soignants formés à la clinique psychiatrique, et non au D.S.M., formés aux traitements divers et variés par la parole dont nous étions en France les tenants. On n'éduquera, ne rééduquera pas ces patients en les enfermant, surveillant et les punissant. Et nous avons aussi besoin de structures extérieures qui les accueillent et les accompagnent. En effet nous devons sinon les guérir comme l'avance imprudemment Mr Sarkozy, du moins les soigner.

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Paris, le 5 décembre 2008

Communique de presse

communiqué de presse de l'Uniopss concernant le rapport Varinard sur la justice des mineurs.

Réforme de lordonnance de 1945 : Au revoir les enfants ?

A première lecture, l’Uniopss observe que le rapport de la Commission Varinard ne remet pas en cause les principes fondamentaux de la justice des mineurs notamment la double compétence du juge des enfants. Cependant, l’Uniopss s’inquiète de la vision négative de la jeunesse sous tendu par nombre de propositions. Certaines semblent marquer un passage d’une vision d’une jeunesse en danger à une jeunesse dangereuse : l’enfant n’est plus, seule demeure la vision juridique abstraite, le mineur. On ne regarde plus nos enfants avec empathie et bienveillance...

>>> L’UNIOPSS se félicite que certaines de ses convictions et ses propositions aient été reprises par la Commission Varinard :

- les principes fondamentaux ;

- le maintien de la double compétence du juge des enfants ;

- la réaffirmation de la spécificité du droit pénal applicable aux mineurs ;

- la nécessité d’une formation spécifique des intervenants.

>>> Pour autant l’UNIOPSS, qui rassemble les associations qui prennent en charge au quotidien les mineurs délinquant, est préoccupée par :

- La substitution du terme mineur à celui d’enfant, tant dans l’intitulé d’un code, que du changement du nom du magistrat, tribunal… marque la une volonté de clivage entre l’enfance en danger qui prendrait en compte les mineurs victimes à travers un dispositif administratif et judiciaire, et l’enfance dangereuse, les mineurs délinquants.

Ce clivage ne correspond pas à la réalité que vivent au quotidien les associations. Ces recommandations ne portent pas une vision constructive de la jeunesse dont la société d’aujourd’hui a pourtant bien besoin. L’Uniopss tient à souligner que si la reconnaissance de l’acte délinquant constitue un élément fondamental et nécessaire, elle doit s’inscrire comme une étape dans le processus éducatif et non marquer un point d’arrêt, et que, par conséquent, il est essentiel d’envisager un code qui traite de la jeunesse dans sa globalité, dans la dimension civile et pénale. Pour l’Uniopss, la justice des mineurs tire sa légitimité d'une approche globale de l'enfance en difficulté.

- La fixation de l’âge de la responsabilité pénale à 12 ans : la France, longtemps précurseur dans le domaine du droit pénal, tout particulièrement des mineurs, retiendrait là le seuil minimal en dessous duquel l’ONU estimait qui était inacceptable de baisser et qu’il fallait au contraire s’efforcer de fixer un seuil plus élevé. L’Uniopss estime en effet ce seuil trop bas.

- Le glissement du droit pénal des mineurs vers le droit commun : les procédures rapides, l’application de la composition pénale aux mineurs, l’instauration de peine planchers sont autant de dispositions qui vont à l’encontre du principe de la spécialisation de la justice des mineurs. La possible comparution d’un mineur de 16 ans et plus devant un tribunal correctionnel, de même que la suppression des mesures éducatives, s’inscrit dans cette évolution

Du regard porté sur l’enfance, dépend le développement de ses potentialités : A travers les discours, les représentations sociales et les politiques publiques, dans une société vieillissante, l’Uniopss redoute aujourd’hui que la jeunesse tend à n’être plus considérée comme une richesse porteuse d’espoir mais comme une menace à endiguer.

L’actualité nous presse à déterminer les principes permanents d’une justice des mineurs, équilibrée et efficace, prenant en compte aussi bien les enjeux d’autorité, de responsabilité que ceux de compréhension des réalités sociologiques et psychologiques. Certes, il paraît nécessaire de réactualiser le cadre juridique du traitement des mineurs ayant commis des actes de délinquance. Cependant, seule une approche coordonnée et complémentaire des réponses civiles et pénales peut garantir une justice des mineurs efficiente.

Au delà de ces premières remarques, l’Uniopss va approfondir les 70 préconisations et sera attentive aux arbitrages de la Garde des Sceaux dans l’élaboration du projet de loi annoncé. Les associations souhaitent être parties prenantes de cette nouvelle étape.

A propos de l’UNIOPSS : L’UNIOPSS est un regroupement d’associations qui rassemblent 25 000 établissements et services non lucratifs du secteur de la protection sociale. Parmi les associations adhérentes, beaucoup mènent des actions pour l’enfance, depuis le soutien à la parentalité jusqu’à l’accueil d’enfants placés. La majorité des établissements habilités à prendre en charge les jeunes après une décision de justice est adhérente à l’UNIOPSS.

Depuis 2007, l’UNIOPSS a mis en place un groupe de travail réunissant les principales associations concernées afin d’élaborer un positionnement commun concernant la réforme de l’ordonnance de 1945. La diversité des acteurs adhérents et les travaux de réflexion menés en commun permettent à l’UNIOPSS de proposer une vision globale de la protection de l’enfance et de la prévention de la délinquance.

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Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République à propos de son discours du 2 décembre 2008 à l’hôpital Erasme d’ANTONY concernant une réforme de l’hospitalisation en psychiatrie.

Etampes, le 8 décembre 2008

Monsieur le Président,

Eluard écrit dans Souvenirs de la Maison des Fous « ma souffrance est souillée ».

Après le meurtre de Grenoble, votre impatience à répondre dans l’instant à l’aspiration au pire, qu’il vaudrait mieux laisser dormir en chacun d’entre nous, et que vous avez semble t-il tant de difficulté à contenir, vous a amené dans votre discours du 2 décembre à l’hôpital Erasme d’Antony à souiller la souffrance de nos patients.

Erasme, l’auteur de « L’Eloge de la Folie » eut pu mieux vous inspirer, vous qui en un discours avez montré votre intention d’en finir avec plus d’un demi siècle de lutte contre le mauvais sort fait à la folie : l’enfermement derrière les hauts murs, lui appliquant les traitements les plus dégradants, leur extermination en premier, quand la barbarie prétendit purifier la race, la stigmatisation au quotidien du fait simplement d’être fou.

Vous avez à Antony insulté la mémoire des Bonnafé, Le Guillant, Lacan, Daumaison et tant d’autres, dont ma génération a hérité du travail magnifique, et qui ont fait de leur pratique, œuvre de libération des fécondités dont la folie est porteuse, œuvre de libération aussi de la pensée de tous, rendant à la population son honneur perdu à maltraiter les plus vulnérables d’entre nous. Lacan n’écrit-il pas « l’homme moderne est voué à la plus formidable galère sociale que nous recueillions quand elle vient à nous, c’est à cet être de néant que notre tâche quotidienne est d’ouvrir à nouveau la voie de son sens dans une fraternité discrète, à la mesure de laquelle nous sommes toujours trop inégaux ».

Et voilà qu’après un drame, certes, mais seulement un drame, vous proposez une fois encore le dérisoire panégérique de ceux que vous allez plus tard insulter leur demandant d’accomplir votre basse besogne, que les portes se referment sur les cohortes de patients.

De ce drame, vous faites une généralité, vous désignez ainsi nos patients comme dangereux, alors que tout le monde s’entend à dire qu’ils sont plus vulnérables que dangereux.

Mesurez-vous, Monsieur le Président, l’incalculable portée de vos propos qui va renforcer la stigmatisation des fous, remettre les soignants en position de gardiens et alarmer les braves gens habitant près du lieu de soin de la folie ?

Vous donnez consistance à toutes les craintes les moins rationnelles, qui désignant tel ou tel, l’assignent dans les lieux de réclusion.

Vous venez de finir d’ouvrir la boîte de Pandore et d’achever ce que vous avez commencé à l’occasion de votre réplique aux pêcheurs de Concarneau, de votre insulte au passant du salon de l’agriculture, avilissant votre fonction, vous déprenant ainsi du registre symbolique sans lequel le lien social ne peut que se dissoudre. Vous avez donc, Monsieur le Président, contribué à la destruction du lien social en désignant des malades à la vindicte, et ce, quelques soient les précautions oratoires dont vous affublez votre discours et dont le miel et l’excès masquent mal la violence qu’il tente de dissimuler.

Vous avez donc, sous l’apparence du discours d’ordre, contribué à créer un désordre majeur, portant ainsi atteinte à la cohésion nationale en désignant à ceux qui ne demandent que cela, des boucs émissaires, dont mes années de pratique m’ont montré que justement, ils ne pouvaient pas se défendre.

Face à votre violence, il ne reste, chacun à sa place, et particulièrement dans mon métier, qu’à résister autant que possible.

J’affirme ici mon ardente obligation à ne pas mettre en œuvre vos propositions dégradantes d’exclure du paysage social les plus vulnérables.

Il en va des lois comme des pensées, certaines ne sont pas respectables ; je ne respecterai donc pas celle dont vous nous annoncez la promulgation prochaine.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, la très haute considération que je porte à votre fonction.

Docteur Michaël GUYADER

Chef de service du 8ème secteur

De psychiatrie générale de l’Essonne,

Psychanalyste.


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