lundi 14 avril 2008

Le Meeting de Rennes

MEETING À RENNES le 10 avril 2008

DÉVALUONS L’ÉVALUATION : pour ne pas devenir idiots

Environ 320 personnes ont assisté au Meeting de Rennes dans l’auditorium de la Maison du Champ de Mars et dans une salle attenante avec une retransmission vidéo.

3h30 d’exposés, mais aussi de débats.

Dans son introduction, Roger Cassin a d’abord situé, pour nous, les enjeux à venir en rappelant la nocivité du tout mesurable, pour conclure par un avertissement : “Alors que le réchauffement de la planète commence à faire des dégâts, entrons-nous dans l’ère de la glaciation de l’humain par l’évaluation ?”

Ensuite, tandis que Laurent Ottavi, Professeur de Psychopathologie, dans une longue intervention, analysait soigneusement les tenants et les aboutissants idéologiques de l’évaluation à partir de son expérience de Directeur d’Équipe d’Accueil, Hervé Regnauld, Professeur de Géographie physique à l’Université de Rennes, illustrait clairement et brillamment, à partir de sa discipline, comment cette idéologie pouvait conduire au mensonge et à l’absurde. Puis Régis Réau, Professeur de Chimie, délégué adjoint de l’AERES a tenté de faire valoir les améliorations que l’évaluation par l’AERES a apporté dans sa discipline : indépendance, prise en compte des particularités, transparence et participation. Un débat – cordial – s’en est suivi, où l’accent a été mis sur le reste, le non quantifiable, même en chimie, selon les propres termes de Régis Réau. Il y a une faille entre la pratique, la technique de l’Évaluation et son usage en tant qu’instrument de pouvoir.

Armelle Guivarc’h, Praticien hospitalier, psychanalyste et toute nouvelle évaluée nous a fait part de son expérience avec les “Visiteurs”. Un ton gai, pour une histoire triste et honteuse. Les coûts de l’Évaluation en temps, en argent, en personnel, sont faramineux et jamais évalués, ce qui montre bien que la rationalisation budgétaire, supposée être la clé de l’évaluation, est un leurre.

C’est ce que va éclairer Jean-Claude Maleval, Professeur de Psychopathologie à l’Université de Rennes. L’évaluation ampute l’activité qu’elle évalue, elle est ségrégative, elle introduit la suspicion, elle ne croit ni à l’éthique, ni à l’humain. Mais surtout, l’évaluation vise le consentement de celui à qui elle s’adresse, pour l’asservir au projet politique qui la sous-tend et dont le modèle est un monde de profit, de marché, un monde d’uniformisation consumériste.

Entre temps, Hèlène Enault du CORESO, c’est-à-dire le Collectif Rennais de RÉsistance SOciale, nous a expliqué dans le détail l’avenir que l’Évaluation réserve à nos enfants numérisés dans la “base élèves”, dont les données sont potentiellement exploitables par toutes les administrations ou sociétés privées qui le souhaitent. Big Brother venait d’entrer dans la salle, glaçant. Politique de prévention et secret partagé, traduction en NOVLANGUE du vieux terme de “délation”.

Raphaëlle Jeune, commissaire de la future biennale d’art contemporain qui se tiendra en mai et juin dans un édifice historique du Vieux Rennes, le Couvent des Jacobins, est venue nous parler des rapports entre l’art et l’industrie. Cette Biennale est en effet à l’initiative d’un industriel mécène qui attend aussi un “retour d’image” : il fera donc évaluer par une société ad hoc l’équipe que Raphaëlle Jeune dirige. Une contre-évaluation est proposée : un questionnaire qui tente de saisir l’insaisissable du désir des visiteurs de la Biennale. Est-ce possible ? La question est restée ouverte.

Puis, Pierre-Gilles Guéguen, dans un texte limpide, nous a emmené chez nos amis anglais, de l’autre côté du Channel. Sa description du système anglais, précise, nous a projeté dans un monde où le bonheur fait l’objet de cours à l’école, mais où l’individualisme est porté à son point d’incandescence. Le futur est-il déjà là ?

Caroline Pauthe-Leduc pour Le Diable probablement et Carole Pineau, enfin, pour l’AH!NON ont su clore élégamment ce Meeting par deux courts textes allégoriques, dans lesquels l’évaluation se réduit à ce qu’elle est en son coeur, une stupidité “pernicieuse.”

Une enquête de satisfaction va être lancé auprès des participants pour évaluer plus finement l’impact de ce Meeting : nous sommes confiants.

Jean Luc Monnier

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