mercredi 4 juin 2008

La médecine n'est pas une marchandise

Brèves de Mediscoop, par le Dr Marie-Elisabeth Sanselme-Cardenas
La presse médicale au scanner


Deux brèves qui arrivent depuis le commentaire précédent.


Santé et finance : « Les médecins français interpellent le gouvernement » L’Humanité
L’Humanité fait savoir que « le Conseil de l’Ordre des médecins et 4 syndicats de médecins libéraux ont interpellé le gouvernement sur la nécessité de «protéger des appétits financiers» le secteur de la santé ».
Le journal rappelle que « la Commission [de Bruxelles] a en effet demandé à la France de modifier sa loi sur les sociétés d’exercice libéral pour ouvrir leur capital aux financiers ».
Le quotidien cite un communiqué de ces médecins, qui estiment que « la santé ne doit pas devenir une marchandise livrée aux spéculations financières ».

Cette première brève confirme qu'il est urgent de protéger la santé en France et de surveiller tous les glissements vers la seule économie de marché et ...il est peut-être déjà trop tard sans une réaction massive des Français qui fasse revenir en arrière.

« Portes closes pour les étrangers malades » L’Humanité, Le Parisien
L’Humanité constate sur une page et demie que « l’Observatoire du droit à la santé des étrangers lance un cri d’alarme sur l’application restrictive de la loi régissant leur séjour en France ».
Le journal indique que l’organisme « rendait public, hier, son bilan de 10 ans d’application de cette loi ».
« En fait, dénonce Caroline Izambert, qui représentait Act Up Paris, on assiste à «une forte dégradation du dispositif, parce que l’application, par les préfectures, n’en respecte pas l’esprit». Particulièrement insidieuse, l’instauration des «fiches pathologiques par pays», qui précisent la situation des accès aux soins et aux médicaments dans chaque pays »,
continue L’Humanité.
Le quotidien remarque que « les médecins inspecteurs de santé publique […] doivent absolument s’y conformer. Or, Médecins du monde y a relevé des erreurs flagrantes ».
Caroline Izambert ajoute que ces médecins inspecteurs « rapportent de nombreuses pressions des préfectures pour qu’ils rendent moins d’avis favorables. Des préfets choisissent de ne pas suivre leurs avis. […] On a aussi vu des agents, aux guichets, ouvrir les dossiers médicaux ».
Le journal aborde en outre les « tarifs prohibitifs » de certains médecins de ville agréés par la préfecture, pouvant aller « jusqu’à plusieurs centaines d’euros ».
Le Parisien consacre également un article à ces « étrangers malades menacés d’expulsion ».
Le quotidien retient que « malades, associations, médecins se sont unis pour lancer «un cri d’alarme» », indiquant que le droit au séjour des étrangers malades, « «miraculé malgré les tentatives pour le supprimer», est cependant la cible «d’attaques régulières» qui le fragilisent et «conduisent à des situations dramatiques au mépris des critères médicaux» », selon les associations de l’ODSE.

La deuxième dénonce ce qui est une honte pour la France: elle qui a toujours aidé les étrangers et en a longtemps fait une fierté nationale se débrouille pour rendre l'accès aux soins, convenu par ailleurs, de plus en plus complexe et en exerçant des pressions pour restreindre leur séjour en France. Certains mots sont en train de perdre tout leur sens, solidarité est parmi ceux-là.

Une pétition circule depuis le département du Puy de Dôme pour soutenir trois médecins à qui la préfecture a enlevé leur agrément. Je joins ci-dessous le texte qui figure sur le site du COMEDE (comité médical pour les exilés) et qui donne la raison d'être de cette pétition.

La déontologie médicale est universelle : elle s’applique aussi pour les malades étrangers

pétition de médecins

mardi 3 juin 2008

Médecins : Signer la pétition en ligne

Il y a 10 ans, le droit au séjour des étrangers malades a été reconnu par l’Assemblée nationale. Notre pays aura ainsi été un précurseur en Europe pour retranscrire dans la loi l’obligation de la continuité des soins pour tout étranger résidant en France dont « l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse bénéficier effectivement des traitements appropriés dans son pays d’origine »(1). En 2006, le nombre de nouveaux titres de séjour délivrés pour raison médicale a été de 6 790, soit 3,6 % du total des nouvelles admissions au séjour en France pour les étrangers hors Union Européenne(2).

Pour les étrangers en situation irrégulière(3) et atteints d’une maladie grave, la procédure de délivrance du titre de séjour repose sur un avis médical transmis au préfet par le Médecin inspecteur de santé publique (MISP) du département de domicile du malade. Pour rendre cet avis, le MISP s’appuie sur un « rapport médical » établi selon les règles de la déontologie médicale(4) et indiquant pour le patient les modalités de prise en charge du malade ainsi que les éléments pronostics relatifs à la pathologie. Pendant des années, les rapports établis par les médecins soignants (en ambulatoire ou à l’hôpital) étaient ainsi examinés par les MISP. Or au cours des derniers mois, de nombreuses préfectures ont commencé à refuser d’instruire la demande lorsque le « rapport médical » n’émanait pas d’un confrère « médecin agréé ou un praticien hospitalier », ces refus s’appuyant sur une application restreinte d’un Arrêté datant de 1999(5).

Cette exigence nouvelle complique considérablement l’accès à la procédure pour les malades concernés, et alourdit inutilement le travail de leurs médecins soignants. D’une part, le recours supplémentaire à un « médecin agréé » est très difficile dans la plupart des départements(6), de nombreux médecins ayant vu leur agrément supprimé par la préfecture dans un contexte de suspicion croissante à l’égard des pratiques médicales(7) et de pression des préfectures sur les MISP(8). D’autre part les praticiens hospitaliers, déjà investis dans la prise en charge de leurs patients, se trouvent de surcroît sollicités pour « valider » les rapports établis par leurs confrères qui soignent d’autres patients. Enfin, la situation de pénurie en « médecins agréés » risque de favoriser le développement de filières lucratives et délictueuses.

Il est temps que les autorités préfectorales cessent de stigmatiser « l’irresponsabilité » des médecins intervenant auprès des malades étrangers. Non, nous ne sommes pas « complaisants » ou « angéliques » lorsque nous signalons la gravité de la maladie de nos patients à nos confrères MISP. Non, nous ne sommes pas « militants » ou « engagés » lorsque nous estimons un pronostic vital dans une perspective d’absence de soins appropriés, nous faisons notre devoir de médecins. Certains d’entre nous participent à des actions citoyennes en faveur de l’accueil des étrangers, d’autres non. Mais aucun d’entre nous ne détourne un acte de soins vers un acte militant : il en va de notre responsabilité vis-à-vis de nos patients, de nos confrères et de la société.

Face à cette situation, nous ne pouvons accepter que, au mépris de la loi, les principes de la déontologie médicale s’effacent devant les mécanismes de la « lutte contre l’immigration ». Nous attendons que soient respectés notre exercice de médecins et les missions qui sont les nôtres pour la continuité des soins de tous nos patients, français comme étrangers.

Nous, médecins signataires

- Rappelons que dès lors que les critères médicaux prévus par la loi sont remplis, il est de notre devoir d’alerter nos confrères Médecins inspecteurs de santé publique sur les risques graves encourus par un de nos patients menacé d’être éloigné vers un pays où il n’aurait pas accès aux soins requis par son état de santé ;

- Demandons la mise en place d’un dispositif d’information et d’évaluation des médecins intervenant dans la procédure étrangers malades, afin d’aider les médecins et leurs patients étrangers malades à maîtriser les conditions réglementaires et les modalités de rédaction du rapport médical, et de faciliter ainsi le travail d’expertise effectué par les MISP ;

- Demandons la suppression de la condition de « médecin agréé » prévue par l’Arrêté du 8 juillet 1999. Dans l’attente, nous demandons aux préfets de procéder à l’agrément immédiat de tout médecin inscrit à l’Ordre départemental et acceptant de s’inscrire dans le dispositif d’information et d’évaluation.

Notes

  1. Art L313-11 11° du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
  2. Comité interministériel de contrôle de l’immigration, Rapport au Parlement, décembre 2007.
  3. L’Art L313-11 11° du Ceseda concerne également des étrangers malades en séjour régulier, soit à l’occasion de la demande de renouvellement de leur carte de séjour, soit lorsqu’ils sont par ailleurs détenteurs d’un titre provisoire délivré pour un autre motif (par exemple une demande d’asile en cours).
  4. Lorsque les critères médicaux prévus par la loi sont remplis, le médecin doit favoriser la continuité des soins (Art. 47 du Code de déontologie médicale), par la délivrance du rapport médical prescrit par les textes règlementaires (Art. 76), rapport destiné à un « médecin relevant d’un organisme public décidant de l’attribution d’avantages sociaux », c’est-à-dire le MISP dans la procédure étrangers malades.
  5. Arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d’établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades.
  6. D’une part, les listes de médecins agréés dans la procédure « étrangers malades » sont très réduites dans de nombreux départements. D’autre part, de nombreux « médecins agréés » refusent la prise en charge du coût par la Complémentaire CMU ou l’AME et pratiquent des dépassements d’honoraires non prévus par la réglementation. En effet, contrairement à une certification médicale hors nomenclature et qui n’est pas demandée dans le cadre de la procédure « étrangers malades », la délivrance du rapport médical destiné au MISP constitue un acte de soins. Les actes de soins, incluant la rédaction de courriers médicaux destinés à la continuité des soins, doivent être intégralement pris en charge par la Couverture maladie universelle - Complémentaire et l’Aide médicale Etat pour les malades dont les ressources mensuelles sont inférieures à 600 € par mois.
  7. Trois médecins psychiatres soignant des étrangers malades dans le Puy-de-Dôme se sont vus récemment supprimer leur agrément par le préfet, au motif notamment que l’un d’entre eux « a été amené à produire des rapports médicaux concernant des étrangers comme praticien agréé, alors que ces étrangers étaient également ses patients dans le cadre de son exercice privé ». Dans le Bas-Rhin, un autre médecin psychiatre s’est vu révoqué par le préfet pour avoir transmis « trop » de rapports médicaux relatifs à la continuité des soins de ses patients étrangers.
  8. Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique, communiqué du 8 octobre 2007, www.smisp.fr

Médecins : Signer la pétition en ligne

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