mercredi 4 juin 2008

Le Meeting de Corte

POUR QUE VIVE LA PSYCHANALYSE
Un Printemps Lacanien

Un meeting suppose une importante réunion de personnes, une réunion publique où le ton des déclarations se doit d’être élevé, revendicatif, voire passionné ; à l’inverse, la psychanalyse suppose le un par un, l’échange feutré, le monologue sur fond de silence, l’association libre plutôt que le réquisitoire, à l’abri des regards et des vociférations du monde.
Il s’agissait de faire passer aux soixante personnes qui nous ont rejoints à Corte, ce samedi 24 mai, que nous tenions à joindre à la façon de cette figure de rhétorique, l’oxymore, ces termes apparemment contradictoires Meeting et Psychanalyse pour réfuter deux erreurs contemporaines, la première qui consiste à faire de l’inconscient un dedans, et à refuser ainsi de le penser en extériorité, dans son lien à la gestion politique, la seconde qui découle des progrès de la science au XXIème siècle, laissant croire à certains qu’une nouvelle définition de la subjectivité serait possible à partir de ce seul substrat observable, le cerveau.
Après une introduction où nous avons témoigné de nos inquiétudes (la régulation de la profession, la folie évaluative, de quoi parlons-nous quand nous parlons du psychisme ?, les programmes sanitaires visant à exclure la pratique analytique, la disparition de la psychanalyse des centres de recherche et de l’Université), le meeting s’est déplié sur quatre séquences :
Dans une première séquence, Jean-Pierre Guidicelli et Marcel Gambini expliquèrent ce qu’ils attendaient de la culture, le premier, comme acteur, réclamant cette liberté de ton et de parole nécessaire pour continuer à “raconter des histoires” par tous les moyens, le second, président du Centre de Culture Scientifique Technique et Industriel de Corse, plaidant pour que la culture scientifique ne perde pas totalement sa liberté de recherche au profit d’exigences de rentabilité de plus en plus pressantes.
La seconde séquence tourna autour de la question de l’enfant : Françoise Marchetti, enseignante, membre du laboratoire du CIEN, présenta les réflexions d’un laboratoire ouvert aux enseignants d’un collège SEGPA, Ghislaine Risso, éducatrice spécialisée, exposa son projet de création d’un lieu de vie et d’accueil à Ajaccio, Casa di Ricci, la maison des hérissons, soit une structure non traditionnelle de type familial, qui veut accueillir des jeunes incasables qui ne trouvent plus leur place dans les structures d’hébergement classiques. Marie-Josée Raybaud, psychanalyste, nous rendit compte de sa lecture des dernières prises de position sur l’autisme, une lecture inquiétante, souvent attristante, mais d’où il ressort que, malgré la poussée vers les méthodes cognitivo-comportementales, le dernier plan autisme 2008 laisse envisager que nous puissions encore œuvrer selon notre orientation. (On sait bien qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, mais tout de même…)
La troisième séquence permit d’aborder les questions afférentes à la psychiatrie contemporaine. Le docteur Delauge, psychiatre, témoigna de son expérience en pédopsychiatrie pour critiquer les nouveaux protocoles en vigueur qui viennent mordre sur l’exigence de confidentialité nécessaire à la clinique de l’enfant, et contreviennent au serment d’Hippocrate : primum non nocere ! Le docteur Graziani, démontra, à partir d’un suivi psychiatrique au long cours, comment l’on pouvait et pourquoi l’on devait refuser l’abandon de la clinique au cas par cas, tout en maintenant un partenariat actif avec la psychanalyse et la neurologie. Enfin, dans le champ des addictions, Joséphine Novelli Gambini, psychologue, s’appliqua, à partir d’un exemple clinique, à mettre en valeur la pertinence d’une clinique sous transfert orientée par le symptôme, et dans sa dimension d’invention subjective.
Deux interventions incisives vinrent clôturer ce meeting, la première avec Max Caisson, ethnologue et ami de notre ACF, qui dénonça ce néo-fascisme qui s’installe et qui peu à peu vient étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte… Mais comme il se plût à le rappeler, “Freud, on n’a quand même pas réussi à le tuer. Il a été sauvé par une femme corse. Elle s’appelait Marie Bonaparte. Mais elle n’était pas bonapartiste”. Enfin, Marie-Rosalie Di Giorgio, psychanalyste, réussit à nous faire rire à partir d’une lecture caustique des Nouveaux psys de Catherine Meyer à qui l’on devait déjà Le livre noir de la psychanalyse. En nous faisant cheminer entre chimpanzé et bonobo, elle nous réconcilia avec l’exil dont nous sommes l’effet en tant que parlêtre.
Nous décidâmes alors qu’il était temps d’inviter chacun à fêter cette réconciliation autour d’un pot, a l’usu corsu.
La télévision n’était pas au rendez-vous, les journalistes du quotidien régional non plus, mais ils s’en sont excusés en m’appelant le lendemain pour m’interviewer et publier un article en début de semaine.
Jean-Pierre Denis
ACF Restonica

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