samedi 10 mai 2008

Médicalisation du malaise social

Brèves de Mediscoop, par le Dr Marie-Elisabeth Sanselme-Cardenas
La presse médicale au scanner

Il n'y a plus de fous ou de souffrance psychique, il n'y a que des anormaux que la société moderne se doit de normaliser puisqu'elle en a les moyens!

"Le déni de la maladie mentale provoque un tollé chez les psy » L’Humanité
C’est ce que relève L’Humanité, qui note que « les syndicats [de psychiatres] s’inquiètent de la disparition de leur profession et de la tendance à médicaliser le malaise social ».
Le journal indique que « pour les principaux responsables des 6 syndicats de psychiatres, il n’y a plus de doute : la maladie mentale disparaît au profit du concept de santé mentale. […] La schizophrénie laisse place aux «troubles du développement émotionnel», la délinquance des jeunes doit être «dépistée» dès le plus jeune âge… ».
« Mais derrière ces changements dialectiques, ce choix de mots «qui soulagent», c’est toute une conception du soin, de l’accompagnement du fou qui est déniée au profit de réponses normalisées, standardisées »,
observe L’Humanité.
Le quotidien remarque que « les derniers états généraux de la psychiatrie […] datent de 2003. A quand une nouvelle mobilisation d’envergure ? ».

« Antidépresseurs : les risques durant la grossesse » Le Figaro
Catherine Petitnicolas indique dans Le Figaro qu’« une expérience conduite par une équipe de l'Inserm montre que des souriceaux exposés à ces psychotropes ont des troubles du sommeil à l'âge adulte, […] celui-ci étant fragmenté et peu réparateur. Des perturbations proches de celles observées dans la dépression et qui persistaient tout au long de leur vie ».
« En revanche, si un tel traitement leur était administré après la puberté, ils n'ont constaté aucune conséquence dommageable »
, poursuit la journaliste.
Catherine Petitnicolas explique ainsi que cette équipe de chercheurs menée par Joëlle Adrien, directrice de l'Unité 677 consacrée à la neuropsychopharmacologie, « démontre, dans le Journal of Neuroscience, que la régulation du sommeil se programme dans les toutes premières années de vie. Cette période serait essentielle au bon fonctionnement des neurotransmetteurs cérébraux qui font en particulier intervenir la sérotonine dans la régulation du sommeil ».
Catherine Petitnicolas remarque qu’« il est avéré que les perturbations du fonctionnement de ce système provoquent des troubles du sommeil, de l'anxiété, voire de la dépression ».
« Or chez les personnes dépressives, la plupart des traitements sont à base d'inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, qui agissent en augmentant artificiellement son taux dans la synapse »,
poursuit la journaliste.
Catherine Petitnicolas cite Joëlle Adrien, qui observe que « ces travaux nous donnent à penser que les 3 premières semaines de vie chez la souris constituent une période critique durant laquelle s'installe et se consolide l'impact du système sérotoninergique sur la régulation du sommeil et des comportements émotionnels. Et une fois ce système mis en place, il semble qu'il ne soit plus possible de le modifier ».
La journaliste remarque que « de là à extrapoler à l'être humain, les chercheurs restent extrêmement prudents. Mais ils mettent néanmoins l'accent sur la nécessité d'évaluer les effets à très long terme d'un traitement par antidépresseurs chez l'enfant (assez rarement prescrit en France mais beaucoup plus aux États-Unis) et aussi chez la femme enceinte ».

Souffrance au travail – L’épidémie invisible » L’Humanité, La Tribune
L’Humanité revient sur deux pages sur la « souffrance au travail », observant que « le suicide d’un conseiller au patrimoine financier [de BNP Paribas en janvier dernier] a mis en lumière les dérives d’un management tendu vers un seul objectif : le profit maximum ».
Le quotidien livre un entretien avec Valérie Langevin, psychologue du travail à l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles), qui observe que « l’individualisation des performances génère de la souffrance ».
La Tribune consacre de son côté un court article aux « conventions signées hier par Xavier Bertrand, ministre du Travail, avec 3 fédérations professionnelles », pour « prévenir le risque CMR (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) ».
Le journal indique que « les fédérations s’engagent à perfectionner la formation des chefs d’entreprise sur ces risques chimiques, et à améliorer l’évaluation des risques et la substitution des produits dangereux ».

Internet, « la principale source d’infos du suicidaire » Libération
Libération note sur une page qu’une étude « contestée », parue dans le British Medical Journal, « mesure l’influence des sites [Internet] dédiés au suicide ».
Le journal remarque ainsi que « les épidémiologistes et psychologues britanniques ont relevé trois observations : le réseau est devenu la principale source d’infos du suicidaire ; la plupart des requêtes se font via une simple combinaison de mots-clés entrée dans un moteur de recherche ; les utilisateurs vont rarement voir au-delà de la première page de résultats ».
Le quotidien note qu’après « 48 recherches [dans des moteurs en ligne] renvoyant des liens vers 480 sites, […] les chercheurs ont établi les choses suivantes. Environ la moitié des sites répertoriés donne des informations plus ou moins précises sur les méthodes de suicides. Un cinquième sont des sites spécialisés sur le sujet, la moitié d’entre eux faisant la promotion du suicide ou facilitant le passage à l’acte ».
Libération ajoute que « 44 autres sites donnent des informations purement factuelles, présentées avec un ton neutre ou ironique. Les sites dédiés à la prévention du suicide sont au nombre de 62, et ceux qui le condamnent fermement au nombre de 59 ».
Le journal observe que « les sites de prévention arrivent rarement parmi les premiers » dans les pages de résultats des moteurs de recherche.
Le quotidien précise que « les chercheurs britanniques sont toutefois bien obligés de noter que le taux de suicide chez les 15-34 ans (les plus gros utilisateurs du Net) a baissé en Angleterre depuis le milieu des années 90, parallèlement à l’explosion du réseau ».
« Hypothèse : les cas où Internet aurait facilité un suicide seraient finalement moins nombreux que ceux où il a joué un rôle de prévention »,
poursuit le journal.

« Le stress du début de semaine, un «fléau mondial» » Libération, Le Monde
Libération se penche sur les « 50 % de salariés français qui souffrent de troubles du sommeil dans la fameuse nuit [du dimanche au lundi], selon une étude menée sur 24 224 salariés par le groupe Monster ».
Le journal ajoute que « la France se situe en deçà de la moyenne mondiale avec ses 61 % de stressés du dimanche soir. Gagnants, les Etats-Unis et l’Angleterre, où 70 % des salariés avouent être frappés par le stress du travail dans la nuit de dimanche ».
Le quotidien s’intéresse ainsi à ce ««trouble dysphorique du lundi matin», pathologie méconnue dont les caractéristiques cliniques observées sur les sujets (au moins deux lundis d’affilée) sont : 1. manque d’énergie ; 2. sentiment de lourdeur ; 3. irritabilité ; 4. difficulté à se concentrer ; 5. repli social ; 6. anxiété ou tension ; 7. bâillements répétés ; 8. ptosis (chute de la paupière) bilatéral, etc. ».
Le Monde relève aussi que « le stress du lundi empêche un salarié sur deux de dormir ».
Le quotidien rappelle que « le manque de sommeil est source d’anxiété et de différents troubles ».

Nous sommes entrés dans l'ère d'une psychiatrie postmoderne » Le Monde
Le Monde publie un entretien avec Roland Gori, psychanalyste et professeur de psychopathologie, qui « décrypte l’évolution probable de la santé mentale ».
Le psychanalyste remarque ainsi que « nous sommes entrés dans l'ère d'une psychiatrie postmoderne, qui veut allouer, sous le terme de "santé mentale", une dimension médicale et scientifique à la psychiatrie ».
« Jusqu'à présent, cette discipline s'intéressait à la souffrance psychique des individus, avec le souci d'une description fine de leurs symptômes, au cas par cas. Depuis l'avènement du concept de santé mentale, émerge une conception épidémiologique de la psychiatrie, centrée sur le dépistage le plus étendu possible des anomalies de comportement »,
continue Roland Gori.
Le psychanalyste ajoute que « depuis l'effacement des grandes idéologies, l'individu se concocte son propre guide normatif des conduites, qu'il va souvent chercher dans les sciences du vivant. Résultat, ce sont les "prophètes de laboratoires" qui nous disent comment se comporter pour bien se porter ».
Roland Gori déclare en outre : « Je ne suis pas certain que les dispositifs de santé mentale aient le souci de soigner, et encore moins de guérir. Ils sont plutôt du côté d'un dépistage précoce et féroce des comportements anormaux, que l'on suit à la trace tout au long de la vie. […] La "nouvelle" psychiatrie se moque éperdument de ce qu'est le sujet et de ce qu'il éprouve. Seul importe de savoir s'il est suffisamment capable de s'autogouverner, et d'intérioriser les normes sécuritaires qu'on exige de lui ».

La psychiatrie moderne n'est pas au service du patient, elle ne semble pas davantage au service de la société comme elle a pu l'être à certaines époques, elle est au service de l'économie de la société. De même que nous avons récemment pu lire la nécessité d'une bonne nutrition dès l'enfance pour une bonne productivité à l'âge adulte, nous voyons la psychiatrie s'intéresser à la santé mentale ou au stress, dans le but de supprimer et par la suite de prévenir tout ce qui peut empêcher un travailleur de travailler, de travailler plus, n'est-on pas au temps du mandat de l'augmentation du pouvoir d'achat et du travailler plus pour gagner plus?

Le zéro de conduite était le projet le plus abouti puisqu'il allait permettre le repérage et le redressement des anomalies des enfants à travers l'observation précoce de leur comportement. Mais il est mal "passé" car la mobilisation a été forte alors d'autres solutions sont possibles pour formater "nos frères" et les rendre gentils et certaines empruntent des voies que l'hygiénisme a eu à d'autres périodes l'occasion d'emprunter et cela avec le secours puissant et efficace de ce que nous avons eu à dénoncer de nombreuses fois et notamment dans les meetings, le support du scientisme.

Pas besoin et d'ailleurs pas le temps, de comprendre le "pourquoi cela ne va pas" pour tel sujet, si on a la possibilité de faire que cela aille avec de bons antidépresseurs, un peu chers il est vrai pour le Ministère et la Sécurité Sociale, mais si pratiques et si rapides pour rendre les gens "comme tout le monde". Les effets secondaires sont vendus avec la boîte, comme le prix à payer pour les bénéfices escomptés, on ne peut pas tout avoir, et ils permettent aussi aux laboratoires de rester dans l'économie en cherchant et en vendant d'autres produits qui auront d'autres effets secondaires. La psychiatrie ne peut plus soulager ou soigner l'être humain, elle doit soigner l'économie à travers et grâce à l'être humain. Kant, nous l'avons déjà dit cette année, est dépassé: si l'être humain peut rendre service à l'économie, il faut savoir laisser de côté les grands principes!

Les suicides au travail montrent que les employés ne sont pas encore assez prêts, assez motivés par le profit maximum de l'entreprise et il faut savoir détecter les professions et les conditions les plus à risques, non certes pour les dénoncer et les supprimer mais pour que l'on prépare ces employés avec des techniques comportementales et si échec de celles-ci, des médications appropriées, à supporter les contraintes de l'économie mondiale sans qu'ils en arrivent au suicide qui n'est pas bien vu.

Quand au syndrome "du stress du début de semaine", on s'étonne qu'un laboratoire n'ait pas déjà trouvé, il aurait fait fortune, la molécule capable de combattre ce "trouble dysphorique du lundi matin" car les signes diagnostiques, eux, sont bien analysés et définis!

On a depuis déjà longtemps enlevé les Humanités des études de médecine, on les a d'ailleurs enlevées des études générales tout simplement, c'était un premier pas pour que la médecine puisse un jour devenir une science sinon dure, au moins vraie, la psychiatrie en avait par certains côtés encore gardé des traces: cela doit cesser, la psychiatrie ne devrait plus s'enseigner à la faculté de médecine que pour la thérapeutique appliquée, le diagnostic pouvant se faire par ordinateur, et elle devrait être laissée à la faculté des sciences pour la recherche et l'expérimentation thérapeutique et à la faculté d'économie et dans les écoles de commerce, avec l'aide de quelques épidémiologistes, pour sa partie diagnostique et préventive! Nous sommes tout de même au XXIème siècle!

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