mercredi 5 décembre 2007

Communiqué n°11

“résister aux cognitivistes”

grand meeting pour que vive la psychanalyse

9 et 10 février à la mutualité

Communiqué n°11

Chers collègues, “La Lettre en ligne” de l’ECF diffusait hier ma première diatribe anti-cognitiviste. Je reçois ce matin un mail de notre collègue Rabanel que je vous communique aussitôt (voir ci-dessous). Par ailleurs, mon ami Saint-Clair Dujon me signale le colloque des Laboratoires de sciences humaines et sociales de l'ENS tenu le 30 novembre dernier, de 9 à 18h, sur le thème Evaluer, dévaluer, réévaluer l'évaluation. “En particulier, m’écrit-il, intéressante intervention de Barbara Cassin sur "la qualité est-elle une propriété émergente de la quantité?", où elle développe ce qu'est l'idéologie Google : une citation, c'est un vote ; un clic sur un site, c'est un vote. Le mode d'évaluation de la recherche entraîne le chercheur à prendre l'instrument d'évaluation pour but de la recherche (publier pour être cité, pas pour avancer). Pour la langue de l'évaluation, voir Klemperer (Victor), Lingua Tertii Imperii. L'enregistrement sonore de ce colloque devrait être mis sous une semaine (en principe) sur le site "diffusion des savoirs" de l'ENS”. Bien à vous, Jacques-Alain Miller, le 5 décembre 2007


Mail de Jean-Robert Rabanel ce matin, 10h37

Cher JA Miller,

Après lecture de vos réponses à “La Lettre en ligne”, je voudrais vous dire un mot au sujet de Jean-Marc Monteil. C’est d’abord un souvenir.

Lors de la création de la Section clinique de l’Institut du Champ freudien à Clermont-Ferrand, je vous avais demandé de faire un courrier au doyen de la Faculté des Lettres pour qu'il accepte de nous louer des salles. Celui-ci avait accédé à notre demande, tout en nous priant d’en référer au Président de l'Université de l'époque, qui était justement M. Monteil.

Au téléphone, celui-ci ne me fit pas d’objection, précisant que nous étions si différents que nous ne nous porterions pas tort. Il ajouta aimablement qu’il avait pu apprécier favorablement l'aide que j'avais apportée en tant qu’analyste à quelqu'un de son proche entourage.

C'est le seul contact que j'ai eu avec J.M. Monteil, et, comme vous le voyez, il a été empreint de courtoisie. J'ai connu ensuite le déroulement de sa carrière, à Bordeaux d'abord, puis à Paris. À l'Université Blaise-Pascal de Clermont, il avait créé, sur les ruines de l’Institut de psychologie appliquée, son Laboratoire de psychologie de la cognition ; il fut le Président de l’Université de 1992 à 1997. Il est ensuite devenu le recteur de Bordeaux, et il a écrit alors un important rapport intitulé “Propositions pour une nouvelle approche de l'évaluation des enseignants”, qu’il a remis à François Bayrou, ministre de l’éducation nationale. Je suppose que ce rapport est pour quelque chose dans sa nomination en juillet 2002 comme directeur de l’Enseignement supérieur. Le ministre qui l’a nommé était Claude Allègre. Il est devenu le 21 mars dernier le président du conseil de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), poste qu’il a du quitter le 22 mai, au moment il était nommé chargé de mission auprès de François Fillon. C’est sans aucun doute l’homme de l’évaluation dans l’Université française. C’est son successeur au Laboratoire de Clermont, le Pr Fayol, qu’il a choisi pour superviser les nombreuses équipes de l’AERES qui vont toute l’année durant expertiser tous les cliniciens et psychanalystes universitaires. C’est leur triomphe.

On peut se demander comment la Faculté de psychologie de Clermont, où Foucault avait enseigné, qu’il avait marquée de son enseignement, avait pu devenir un bastion du cognitivisme. Voici ce qui s’est passé.

Pour le seconder à Clermont, Foucault avait choisi Mme Pariente. Celle-ci devint la directrice de l'Institut de Psychologie Appliquée. C’était une clinicienne, et nous l’avons toujours soutenue, Simone et moi, une ancienne normalienne, comme son mari, le philosophe Jean-Claude Pariente, dont vous connaissez la réputation, et qui est encore venu faire une belle conférence en mars dernier à l’Association Cause freudienne, sur la notion de nom propre, que nous allons publier. Mme Pariente aurait beaucoup de choses à dire sur son combat à Clermont, son éviction, et la suppression de l'Institut de Psychologie Appliquée au profit du Laboratoire de J.-M. Monteil.

René Haby, le premier ministre de l’éducation nationale sous Giscard, promoteur du “collège unique”, fut recteur de l’Université de Clermont. Alice Saunier-Séité, qui lui succéda aux Universités en 1978, refit la carte des Facultés de psychologie, et éradiqua de Clermont la clinique au profit du cognitivisme. Ce fut surprenant à l’époque, d’autant que Mme Pariente était giscardienne en politique alors que M. Monteil, lui, était connu pour être de tendance PS. Toujours est-il que c’est ainsi que la “Fac de psycho” de Clermont devint ce qu’elle est devenue.

C’est maintenant le Pr Fayol qui règne en amître absolu sur la psychologie à Clermont. De Monteil à Fayol, en 30 ans, pas un seul professeur, pas un seul maître de conférences, pas un seul assistant, pas un seul chargé de cours qui ait été clinicien. Le désert. C'est au point qu'il n'y a pas de DESS de psychopathologie à Clermont, cas unique selon Jean-François Cottes.

Bien cordialement.

Jean-Robert Rabanel

PJ : saisie sur ordinateur de votre lettre au doyen de la faculté des Lettres de Clermont, en date du 30 mars 1992

DEPARTEMENT DE UNIVERSITE DE PARIS VIII

PSYCHANALYSE

PARIS, LE 30 mars 1992

LE DIRECTEUR

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A Monsieur le Doyen de la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand


Monsieur le Doyen et cher collègue,

Je me permets de vous écrire au sujet d’une « Section clinique « à Clermont-Ferrand, qui se recommande du Département que je dirige à l’Université de Paris VIII.

Le Dr Jean-Robert Rabanel est connu et apprécié depuis des années de moi-même et de la plupart des membres de l’équipe doctorale « Psychanalyse et champ freudien » que j’anime au Département. En particulier, le Dr Rabanel a été invité à collaborer à la « Section clinique » de Paris, que nous avons créée dans le cadre du service de formation permanente de l’Université.

De nombreux psychanalystes ont voulu à leur tour créer de telles « Sections cliniques » à l’étranger. C’est ainsi que j’ai accepté de donner les auspices du Département à des « Sections » qui se sont ouvertes à Bruxelles, Madrid, Rome, et Barcelone. Ces établissements sont gérés de façon autonome par leurs responsables locaux, en général à travers des associations sans but lucratif. Par contre, les programmes, les contenus et les méthodes d’enseignement sont concertés avec nous.

Une « Section clinique » s’est ouverte l’an dernier à Bordeaux, avec plein succès. Le Dr Rabanel a voulu en créer une à Clermont, et je lui ai donné mon appui.

S’il était possible à l’Université de Clermont-Ferrand de mettre des locaux à la disposition de ce projet, je souhaiterais vivement qu’elle le fasse. A mon sens, un véritable intérêt public s’attache en effet à la divulgation d’un enseignement méthodique et rationnel de la psychanalyse : le désir de « réaliser sa personnalité » permet des exploitations éhontées ; on ne peut supprimer ce désir, que nourrit le « désenchantement » moderne ; mais on peut l’orienter vers une discipline de vérité, qui n’est pas incompatible avec une perspective scientifique, et qui a sa place dans l’Université : la discipline analytique.

Multiplier des « Départements universitaires de psychanalyse » serait souhaitable ; à défaut, l’Université, en aidant les « Sections cliniques », peut jouer un rôle salubre.

Veuillez agréer, Monsieur le Doyen et cher collègue, les assurances de ma haute considération,

Jacques-Alain Miller

2 commentaires:

Galice Taléo a dit…

Ami du mouvement psychanalytique, je me pose la question suivante: comment peut-on à la fois se réclamer de la psychanalyse et, presque naïvement, appeler à résister?

De grâce, allongeons-nous un instant et tentons d'analyser un peu la situation. Ne cédons pas à l'angoisse, laissons la résistance à ceux que le divan n'a pas encore délivré.

La psychanalyse est-elle vraiment en danger?

Si oui, l'est-elle vraiment de la part de cet autre insipide, tout cognitiviste soit-il? Ou bien, le serait-elle plus simplement de l'intérieur? De ce for(t) intérieur dans lequel certains se re-tranchent, peut-être à tort?

Galice Taléo

Anonyme a dit…

La chasse aux sorcières serait-elle ré-ouverte?
Pourriez-vous m'indiquer la meilleure façon de se procurer une carte?

D'avance merci d'honorer ainsi notre dignité à tous.

Galice Taléo